Le professeur des écoles d’aujourd’hui est bien différent du maître d’antan.
Il n’a pas le même parcours, ne jouit pas des mêmes droits, ne partage pas les mêmes défis.
Retrouvez ci-dessous le dossier de la rédaction du magazineToupie sur ce sujet.
Du tableau noir d’antan au tableau blanc interactif de demain, l’école est en constante évolution. Et le professeur ? Qui est-il ? A-t-il changé, lui aussi ?
Avec l’aide d’Henri Del Pup, historien et enseignant à l’IUFM de Toulouse, retour sur une profession en mouvement.
Mission éducation !
À la veille de la Première Guerre mondiale, les instituteurs incarnaient les valeurs de la République. S’ils transmettaient les connaissances pratiques de base, ils étaient surtout chargés de l’éducation du peuple. « Le plan d’éducation mentionnait, en article 1, que la mission de l’école était l’instruction civique et morale. Aujourd’hui, cette dimension apparaît dans les deux derniers points du socle commun de connaissances et de compétences. Les priorités sont inversées », explique Henri Del Pup. En 1989, la création des IUFM donne le jour à un nouveau corps d’enseignants : les professeurs des écoles. « On n’attend plus véritablement d’eux qu’ils travaillent sur les connaissances et les compétences. » Dans une société plus complexe, les professeurs des écoles doivent désormais préparer l’ensemble des élèves à suivre un enseignement secondaire. L’école devient un enjeu de débat public, dans lequel les pratiques professionnelles des enseignants sont discutées. « Les tests réalisés lors des journées d’appel établissent que 10 % d’une classe d’âge ne maîtrisent pas les compétences exigibles à la fin d’une scolarité obligatoire. C’est un gros problème ! Mais on oublie que, dans l’école de la IVe République, pratiquement un enfant sur trois ne maîtrisait pas ces compétences. »
Un profil social en mutation
L’instituteur du début du siècle possédait un savoir qui lui conférait un statut de notable. Toutefois, son niveau de vie ne lui permettait pas de s’agréger à la bourgeoisie locale. Avec la démocratisation de l’école, les instituteurs ne participent plus à la promotion d’une élite scolaire. Dans une société qui privilégie la réussite économique, le métier perd de son prestige. « Si, avant 1914, l’instituteur était médiocrement payé, il jouissait d’avantages qui valorisaient son statut : il touchait de l’argent tous les mois, il bénéficiait des congés scolaires et de la possibilité de faire valoir des droits à la retraite à partir de 55 ans », précise Henri Del Pup. Aujourd’hui, la position du professeur des écoles n’apparaît plus comme enviable. De plus, le niveau de diplômes demandé ayant très fortement augmenté (baccalauréat, DEUG, licence, puis master), la profession ne permet plus de gravir les échelons sociaux. « Nous sommes passés d’un recrutement des enfants du peuple méritants à un recrutement de la bourgeoisie », souligne Henri Del Pup. Le risque est d’assister à un divorce entre les origines sociales des enseignants et celles de leurs élèves… Pourtant, le bonheur d’enseigner est toujours présent.
L’universitarisation de la formation
Jusqu’en 1989, les instituteurs étaient formés dans les écoles normales, dont le niveau de recrutement s’est accru au cours du siècle : brevet supérieur (obtenu par deux années d’études après le certificat d’études), baccalauréat (sous l’État français du maréchal Pétain), puis niveau DEUG. Les écoles normales proposaient une formation professionnelle de deux ou trois années, fondée sur des apports théoriques, des stages et une réflexion didactique. Puis, la volonté d’intégrer la formation à l’université a conduit à la création des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Les futurs enseignants pouvaient y bénéficier de deux années de formation, accompagnée de périodes de stage (de l’ordre de huit semaines). Depuis 2010, les IUFM n’existent officiellement plus, et la formation universitaire l’a emporté sur la formation professionnelle. « Les étudiants doivent désormais se soumettre à des masters de recherche. Le ministère ne s’engage plus sur des stages rémunérés », déplore Henri Del Pup.
Spécificité de l’école maternelle
Les professeurs des écoles sont habilités à enseigner de la maternelle à la fin du primaire. « Maîtriser les attentes de la scolarité primaire permet à l’enseignant de maternelle d’agencer ses apprentissages », explique Henri Del Pup. Cependant, l’école maternelle n’appartient pas à l’école obligatoire (qui va de 6 à 16 ans). Aussi, faute de personnel, et pour maintenir des classes gérables, les directeurs d’établissement freinent le recrutement. « En petite section, la fréquentation des élèves est passée de 50 % à 30 %. » L’école normale proposait aux futurs instituteurs un enseignement spécifique pour la maternelle, accompagné d’un stage obligatoire. De nos jours, elle fait rarement l’objet de recherches universitaires, et donc de sensibilisation des étudiants. Or, l’école maternelle a besoin de pédagogues. « Les enseignants de la maternelle doivent permettre le passage du statut d’enfant à celui d’élève. » Outre permettre à l’enfant de se sociabiliser et d’acquérir des compétences, le rôle du professeur des écoles, en maternelle, est donc bien de l’aider l’enfant à grandir…
Dossier et entretien réalisés par Camille Moreau.